Le peuple jurassien vient de célébrer le centenaire de la naissance de Roland Béguelin, le principal leader du mouvement autonomiste qui a amené à l’indépendance du Jura en 1974. Il est donc considéré comme l’un des « pères » de la République et canton du Jura avec Roger Schaffter et François Lachat. Grand ami de laVallée d’Aoste et des Valdôtains, il soutint toujours les revendications linguistiques et les positions autonomistes et fédéralistes de l’Union Valdôtaine.
Né le 12 novembre 1921 à Tramelan-Dessus, en 1945, Roland Béguelin obtint une licence ès sciences économiques et commerciales de l’Université de Neuchâtel. La même année, il devint secrétaire communal dans sa Commune natale et adhéra au Parti socialiste.. Dès cette année, il protesta auprès du gouvernement bernois contre l’emploi officiel de la langue allemande dans l’administration. Il commença alors sa lutte politique contre la germanisation de sa région dans plusieurs journaux.
Le 30 novembre 1947, avec Daniel Charpilloz et Roger Schaffter il fonda, à Moutier, le Mouvement séparatiste jurassien, qui avait pour but l’indépendance de la partie francophone du Jura vis-à-vis du canton de Berne. L’année suivante, avec Roger Schaffter et Roger Châtelain, il constitua la société coopérative du Jura Libre et édita le journal Le Jura Libre, dont il devint rédacteur en chef.
Le 9 septembre 1951 le Mouvement indépendantiste jurassien prit le nouveau nom de Rassemblement Jurassien, et Béguelin en fut élu secrétaire général en 1953. En 1958, il fonda, avec Roger Schaffter, les Éditions de la Bibliothèque jurassienne et l’année suivante l’association Mouvement romand. En 1960, il fit partie des fondateurs du comité romand de l’Association européenne de l’Ethnie française, fondée l’année précédente, et en 1971, à Genève, il créa avec Pierre Fosson et Marcel Thiry la Conférence des communautés ethniques de langue française, qui groupait le Rassemblement Jurassien, l’Union Valdôtaine et le Rassemblement Wallon. Élargie à d’autres communautés francophones (la Romandie, les Fourons, le Québec, l’Acadie et la France), elle fut renommée Conférence des communautés de langue française en 1989, puis Conférence des peuples de langue française en 1993.
Pro-européen, tolérant et ouvert, Roland Béguelin considérait que « son peuple avait le droit de se réclamer de la culture française ». Il énonça même la volonté que le Jura, et avec lui la Suisse romande, soit rattaché à la France. Selon lui, « Un canton du Jura n’est qu’une étape avant l’Europe unie qui abolira la « fausse frontière » qui le sépare de la France. ».
L’action autonomiste du Rassemblement Jurassien aboutit à l’organisation du premier plébiscite jurassien, qui vit le succès des séparatistes. Les résultats du vote du 23 juin 1974 annonça la création d’un canton du Jura, séparé du canton de Berne, avec seulement les trois district du nord (Delémont, Porrentruy et les Franches-Montagnes). La population rejoignit donc la place devant l’Hôtel-de-Ville de Delémont, à 20:00, où furent annoncés les résultats par Germain Donzé, Roland Béguelin, Roger Schaffter et François Lachat. Béguelin put enfin s’écrier :« Le Jura est libre ! »
Les résultats du plébiscite n’étaient cependant qu’une victoire partielle; Béguelin estimait que la lutte devait continuer afin de « récupérer » et de réunir les districts du sud ayant voté non (Moutier, Courtelary et La Neuveville). L’une de ses grande crainte, après l’entrée en souveraineté du nouveau canton, était que le futur Gouvernement jurassien oublie les revendications du Rassemblement Jurassien, qui visait la récupération des districts du sud.
À la suite du vote de 1974, l’Assemblée constituante jurassienne fut créée pour élaborer la Constitution du nouveau canton. Roland Béguelin y fut élu le 21 mars 1976 et il en devint vice-président. Le 19 novembre 1978 il fut élu député au Parlement jurassien, où il entra officiellement en fonctions le 1er janvier 1979, date de l’entrée en souveraineté du canton du Jura. Il en fut le premier président du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1979 et fut réélu pour la 2e et la 3e législature (1983-1986 et 1987-1990). Il décida ensuite de ne plus se représenter. Lors de son mandat de presque douze ans, Roland Béguelin intervint notamment sur des sujets comme : la réunification du Jura historique et la francophonisation des lieux-dits dont le nom germanisé ne répondait plus aux normes constitutionnelles jurassiennes, la citoyenneté jurassienne, le partage des biens entre Berne et le Jura, la protection de la langue française et l’enseignement de l’histoire jurassienne dans les écoles.
En parallèle, il resta un leader du Rassemblement jurassien, qui cherchait à tout prix la réunification du Jura-Sud avec le canton du Jura. Cependant, à partir des années 1980, les positions de Roland Béguelin provoquèrent des avis divergents au sein même du camp séparatiste. Le Gouvernement jurassien, afin de ne pas attiser les tensions avec le canton de Berne, décida d’utiliser le dialogue et la réconciliation, attitude que Béguelin considérait comme un acte de lâcheté : les rapports entre lui et les autorités jurassiennes se détériorèrent, allant jusqu’à la rupture.
Le 8 juin 1991, Roland Béguelin quitta finalement sa fonction de secrétaire général du Rassemblement Jurassien et l’année suivante, il abandonna le poste de rédacteur en chef du journal Le Jura Libre, repris par Christian Vaquin (originaire de Brusson), et celui de secrétaire général de la Conférence des communautés ethniques de langue française.
Il mourut le 13 septembre 1993, à la suite d’un cancer, le lendemain de la 46e Fête du peuple à son domicile de Delémont, à l’âge de 71 ans. Il repose au cimetière de Delémont.