Encadrée par la sentence de la Cour Constitutionnelle et par la relation du président de la Cour des Comptes siégeant à Aoste, la célébration de l’autonomie valdôtaine – qui a atteint l’âge de 75 ans – a pris cette année, Covid aidant, l’allure d’une cérémonie funèbre, soulignée par l’homélie auto-flagellatoire du Président du Conseil de la Vallée. Il est permis de se demander jusqu’à quand on pourra continuer de le faire ; ou en tout cas s’il en vaudra encore la peine.
Les vicissitudes de la loi régionale stupidement étiquetée comme « anti-DCPM » constituent un signal très préoccupant dans cette perspective. Rappelons les faits.
Approuvée par la « Lega » et les forces autonomistes de la majorité et de l’opposition, mais non par la gauche qui s’est abstenue tout en faisant partie de la majorité « autonomiste et progressiste », cette loi régionale a été l’objet d’un recours à la Cour Constitutionnelle par le gouvernement Conte-2, qui jouissait de l’appui du représentant de la Vallée d’Aoste au Sénat et par la représentante du Movimento Cinque Stelle à la Chambre des Députés élue en Vallée d’Aoste. Au moment de la crise de ce gouvernement, lors du marché des vaches entrepris dans le but de ne pas sombrer (et régulièrement échoué), on avait envisagé le retrait de ce recours : ce qui n’a été fait ni par le gouvernement échu, ni par l’actuel, où pourtant joue un rôle important le parti exprimant l’ancien ministre des Affaires régionales, qui aurait dû proposer de retirer le susdit recours – parti qui participe à plein ( ?) titre à la susdite majorité « autonomiste et progressiste » au Conseil de la Vallée).
Ce qui est préoccupant, ce n’est pas qu’une promesse faite à un parlementaire représentant la Vallée d’Aoste n’ait pas été tenue : en trois quarts de siècle de République italienne, plus quelques dizaines d’années de monarchie, nous en avons vues bien d’autres… Le grave, c’est qu’on a joué non pas sur la table des promesses électorales du type « électrification du chemin de fer Chivasso-Aoste » ou « construction du pont sur le détroit de Messine » ; mais sur celle des rapports institutionnels entre pouvoirs de l’État, ayant trait à la fameuse « loyale collaboration » qu’on mentionne à tout bout de champ lorsqu’il s’agit d’entraver l’exercice des autonomies régionales.
Autrement dit : si le gouvernement était réellement convaincu que la Région avait excédé par rapport à ses compétences, pourquoi s’était-il engagé à renoncer à faire valoir les siennes ? et s’il avait des doutes sur le bien-fondé de son recours, pourquoi l’avait-il fait ? Peut-on imaginer que les prérogatives établies par la loi fondamentale de l’État aient été, en ce cas, réduites à l’objet d’un marchandage ? Et ces décisions contradictoires comment se concilient-elles avec le principe constitutionnel d’une collaboration qui devrait être « loyale ? ».
L’impression est que la politique italienne ait atteint un niveau qualitatif qui ne permet plus de compter sur une gestion rationnelle de la chose publique, fondée sur des jalons institutionnels respectés et des visions politiques dépassant les compromis contingents et les égoïsmes de parti ou de courant. Dans le cadre de la campagne électorale permanente qui sévit en Italie actuellement, où la droite est l’otage d’un nationalisme qui ne s’est pas encore aperçu d’être mort depuis des décennies, la gauche ou pseudo-gauche (dispersée comme toujours en mille fragments en lutte entre eux) a l’électroencéphalogramme à zéro et la majorité parlementaire dépend d’un « Movimento » dont la bienséance empêche de donner un jugement sincère, on a repêché la catégorie de l’« homme de la Providence ».
Toutes les conditions sont réunies pour que les Valdôtains recommencent à raisonner sur leur avenir à partir de la conviction qu’ils devront se débrouiller tout seuls, sans trop compter, au départ, sur l’aide constante et cohérente des « amis » ou prétendus tels.
Djeyar