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Saint-Vincent : une conférence-débat pour parler d’Europe, d’autonomie, de montagne et de transfrontalier

La conférence-débat « La Vallée d’Aoste, un Pays d’Europe », s’est tenue à Saint-Vincent avec un public d’unionistes et de personnes intéressées par les questions européennes dans l’après-midi du samedi 22 février 2025. 

La rencontre a été modérée par Luciano Caveri, Assesseur aux affaires européennes de la Région autonome Vallée d’Aoste et ancien député européen. L’assesseur Caveri a engagé le dialogue avec tous les intervenants sur les thèmes du futur de l’Europe, du fédéralisme, de la subsidiarité, de la coopération transfrontalière, et du rôle de régions dans l’Europe d’aujourd’hui et de demain.

Joël Farcoz, Président de l’Union Valdôtaine, a introduit la rencontre en rappelant la fondation du Mouvement le 13 septembre 1945, soulignant son rôle critique vis-à-vis des Décrets Lieutenantiels et son objectif de remettre au centre le patrimoine culturel et philosophique de la Vallée d’Aoste pendant les siècles. Il a mis en avant l’importance de cette philosophie qui perdure depuis 80 ans et la vision européenne de l’Union, pionnière dès 1945, qui réaffirme que les liens d’amitié et politiques sont essentiels pour défendre les intérêts de la Vallée d’Aoste. Le Président Farcoz a exprimé la nécessité d’une Europe plus unie, loin de la mentalité des États-nations, et a insisté sur l’importance de la solidarité valdôtaine pour faire face aux défis européens. Face aux défis internes et externes de l’Union Européenne, « que faire donc ? Repartons des territoires et de leurs représentants », a-t-il déclaré. 

« Déléguer notre souveraineté à d’autres est une erreur du passé que nous devons corriger immédiatement. »

Enrico Letta

Enrico Letta, doyen de la IE School of Politics Economics and Global affairs à Madrid et ancien président du Conseil italien, a ouvert la conférence sur les défis géopolitiques auxquels se voit confrontée l’Europe. S’exprimant en français, il a signalé que l’Europe est maintenant seule à défendre le multilatéralisme et la solidarité entre nations, et que le destin de l’Ukraine est aussi le destin de l’Europe. Il a donc critiqué les choix passés qui ont conduit l’Europe à dépendre d’autres puissances, notamment des États-Unis pour la finance, de la Chine pour l’industrie manufacturière, et de la Russie pour l’énergie : « Nous devons être maîtres de nous-mêmes dans la finance, l’énergie et l’industrie manufacturière. Déléguer notre souveraineté à d’autres est une erreur du passé que nous devons corriger immédiatement. » Il a également insisté sur la nécessité d’une participation active des citoyens en dehors des seules élections : selon lui, territoires et institutions locales ont un rôle clé à jouer pour assurer la cohésion sociale et renforcer les liens entre Européens. En effet, « investir dans nos institutions locales, c’est investir dans l’avenir de l’Europe. La cohésion territoriale est la clé d’une Union européenne forte et résiliente. »  

« Même dans les périodes les plus sombres de l’histoire, il y a toujours eu des personnes qui ont cru en la possibilité d’un cadre autonome, même lorsque cela paraissait impossible »

gilles Gressani, Directeur du Grand Continent

Pour Gilles Gressani, directeur de la revue Le Grand Continent, en conversant avec Enrico Letta, a introduit son discours en soulignant que « Pour la première fois depuis très longtemps, l’incertitude ne vient pas du Sud, mais vient de l’Ouest. » En revanche, l’Europe a redécouvert le mot autonomie, élément pourtant bien connu par les Valdôtains et d’autres réalités locales. En raisonnant sur les difficultés historiques de se réformer et de s’adapter à ces défis géopolitiques, il a écarté la possibilité que redécouvrir une autonomie européenne soit hors de la portée européenne. « Même dans les périodes les plus sombres de l’histoire, il y a toujours eu des personnes qui ont cru en la possibilité d’un cadre autonome, même lorsque cela paraissait impossible », a-t-il continué. Pour Gressani, la défense de la subsidiarité, c’est-à-dire de la gouvernance à plusieurs niveaux, est essentielle, et même « une notion stratégique et puissante. Elle permet d’avoir une société structurée, dotée d’une intelligence collective, capable de décider à son échelle sur des questions fondamentales. »  

La deuxième table ronde a vu la basque Lorena López de Lacalle et le savoisien Nicolas Évrard participer sur les thèmes des minorités et des réalités locales.

« Est-ce que l’Europe est prête à laisser démocratiquement les peuples décider, ou pas ? Pour l’instant, il n’y a pas eu ce consensus. »

Lorena López de Lacalle, Présidente de l’Alliance Libre Européenne

Lorena López de Lacalle, présidente de l’Alliance Libre Européenne (ALE), parti politique européen dont l’Union Valdôtaine fait partie, a défendu le droit des peuples à décider et à obtenir plus d’autonomie, dans le respect des choix démocratiques des peuples. Elle a insisté sur la nécessité d’une autonomie locale accrue, évoquant elle aussi la notion de subsidiarité. Elle a rappelé que l’Europe a toujours avancé en période de crise et que des réformes réelles ont été indispensables, notamment pour répondre à l’appel des citoyens européens à être mieux consultés. Elle a défendu l’idée que les régions, grandes ou petites, devaient avoir plus de pouvoir de décision dans la prise de décision européenne, critiquant le rôle consultatif insuffisant du Comité des régions. López de Lacalle a également souligné l’importance de la diversité linguistique, évoquant les langues comme un moyen d’enrichir l’Europe, et a insisté sur l’ouverture des régions aux autres cultures, affirmant que « nos langues, c’est une façon d’enrichir l’ensemble de l’Europe. » Concernant les minorités et le droit des peuples à s’autodéterminer, elle a déploré le manque de soutien de l’UE pour des régions comme la Catalogne et a plaidé pour un cadre juridique permettant aux peuples de concrétiser démocratiquement leurs aspirations d’autodétermination. Enfin, elle a conclu en soulignant que l’Europe devait être plus créative et innovante dans ses solutions pour respecter les droits des peuples, notamment en matière de cohabitation et de diversité, en soulignant : « Ce que l’on attend alors de l’Europe, c’était être innovatif et créateur. » 

« On ne peut pas défendre la coopération transfrontalière et ne pas écouter quand vous demandez quelque chose. »

Nicolas Évrard, MAIRE DE SERVOZ, Membre Permanent du Comité des Régions (Renew)

Nicolas Évrard, maire de Servoz et membre permanent du Comité des Régions (Renew) a ensuite pris la parole. Il a évoqué plusieurs problématiques liées à la décentralisation et à l’Europe dans ses propos, et a souligné que, malgré la constitution décentralisée de la France, une culture administrative jacobine a persisté, avec une tendance à recentraliser, surtout en période de crise. Il a expliqué que des réflexes centralisateurs se sont manifestés, comme en témoignent les restrictions sanitaires imposées lors de la crise du COVID-19, malgré leur inutilité apparente dans des régions de montagne comme les siennes. Il a également mis en garde contre la tendance d’une Europe qui pourrait devenir trop centralisée, ce qui nuirait à ses valeurs démocratiques et humanistes, comme dans le cas à l’horizon des fonds de cohésion européens. Il a rappelé que la diversité historique et culturelle des montagnes, telles que celles des Alpes, doit être protégée dans le cadre d’une stratégie européenne respectueuse des spécificités locales. « C’est un combat éternel », a-t-il dit, en faisant référence à la lutte pour faire entendre les voix des territoires de montagne, qui ne peuvent se faire supplanter uniquement par de la coopération transfrontalière entre grandes villes. Enfin, il a souligné l’importance de l’engagement des territoires de montagne dans des sujets comme l’hydroélectricité et l’industrie, qui doivent être mieux valorisés dans les débats européens. S’excusant de s’être déjà exprimé sur le deuxième tube du tunnel du Mont-Blanc, il a quand même tenu à ajouter que le dialogue sur la question est nécessaire et doit continuer : « On ne peut pas défendre la coopération transfrontalière et ne pas écouter quand vous demandez quelque chose ». 

Le troisième panel avec Luc Van den Brande et Fabrice Pannekoucke a traité des questions liées au rôle des régions dans les politiques européennes transfrontalières, de cohésion et de la montagne.  

Luc Van den Brande, ancien président du Comité des Régions et ministre-président des Flandres, aujourd’hui président du Centre d’Observation Européen des Régions (COEUR), a mis en avant plusieurs éléments uniques. Sur les crises internationales auxquelles l’Europe se voit confrontée, il insiste sur la nécessité de défendre les valeurs démocratiques européennes. Pour ce faire, et pour résoudre les problèmes locaux, « Nous aurons besoin de plus de gouvernance à multi-niveaux, et non moins, car la complexité des défis actuels exige une coopération étroite entre les communes, les régions, les États et l’Europe. » Selon lui, les régions ne doivent pas être perçues comme de simples entités administratives, mais comme des acteurs clés du développement européen. Pour lui, un retour au centralisme, comme pour la politique de cohésion de l’Union Européenne qui pourrait passer des Régions aux États, risquerait d’affaiblir l’efficacité des politiques locales. Il a aussi loué la coopération transfrontalière : dans les petites régions comme la Vallée d’Aoste, le principe du « small is beautiful » s’applique, car les effets y sont multipliés.

Pour Fabrice Pannekoucke, Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, la régionalisation constitue une véritable force pour les régions et pour l’Europe. M. Pannekoucke a souligné qu’il faut « sortir des aspects purement techniques pour redonner une visibilité, une vision politique, une ambition politique de la manière avec laquelle nous allons conduire ensemble des projets qui fondent nos territoires, au service des habitants. » Il a également souligné les aspects économiques qui lient les peuples alpins et les nouveaux défis auxquels ils sont confrontés. Sur des sujets « comme l’hydrogène, les énergies propres, l’intelligence artificielle, la cyber-sécurité, nous devons regarder en commun. » Pour M. Pannekoucke, « il y a la culture des peuples qui est la même. La problématique de la montagne est la même. »

Pour tirer une conclusion sur l’évènement, la conférence-débat a pu écouter un discours en direct de l’eurodéputé Herbert Dorfmann, président du comité agriculture du Parlement Européen. En souhaitant un joyeux anniversaire à l’Union Valdôtaine, Herbert Dorfmann a partagé ses réflexions sur l’importance des montagnes dans l’Europe contemporaine, en soulignant la reconnaissance des zones rurales et de montagne, qui jouent un rôle crucial non seulement en termes de paysage et de tourisme, mais aussi en termes de protection civile. Il a souligné que le changement climatique et l’abandon des montagnes ont eu de graves conséquences en Italie, telles que des glissements de terrain et des inondations. M. Dorfmann a également évoqué le potentiel des « Smart Villages », où la numérisation peut offrir de nouvelles possibilités de vivre et de travailler dans les montagnes, sans avoir à se déplacer quotidiennement. Il s’est toutefois inquiété d’une approche européenne qui, selon lui, favorise de plus en plus les États membres au détriment des régions, une tendance qui pourrait nuire aux zones de montagne. Il a cité, par exemple, la gestion des PNRR qui est centralisée au niveau national, ce qui réduit l’autonomie des régions de montagne. Il a également abordé la politique agricole, en soulignant l’importance d’une gestion locale et de fonds spécifiques pour les zones rurales et de montagne.  

« Le minoranze linguistiche devono avere la possibilità di competere per un seggio in Parlamento europeo. È giusto che anche a livello nazionale italiano lavoriamo su questa questione. »

Herbert Dorfmann, député européen du südtiroler volskpartei (PPE)

M. Dorfmann a conclu en évoquant la politique en faveur des minorités linguistiques, soulignant que seul 3% des députés européens étaient issus de minorités linguistiques alors que près de 10% de la population européenne appartient à ces mêmes minorités, et que des efforts supplémentaires étaient donc nécessaires dans ce domaine. Il a soutenu que les minorités linguistiques, telles que la Vallée d’Aoste et le Tyrol du Sud, doivent avoir la possibilité de concourir pour des sièges au Parlement européen afin que leurs besoins soient représentés de manière adéquate. « Le minoranze linguistiche devono avere la possibilità di competere per un seggio in Parlamento europeo. È giusto che anche a livello nazionale italiano lavoriamo su questa questione. » Cette déclaration a provoqué les applaudissements du public.

En conclusion, le Président de la Région Renzo Testolin a souligné l’importance de l’identité de la Vallée d’Aoste dans le contexte européen, évoquant les efforts pour renforcer les relations avec les voisins français et suisses, notamment par des échanges culturels et académiques. Il a salué les initiatives de collaboration transfrontalière, comme le soutien aux projets communs et les jumelages entre communes. Testolin a également insisté sur l’importance de préserver la langue et la culture locales, citant des travaux sur le Franco-provençal et la reconnaissance internationale du DELF que la Région s’est engagée à promouvoir. Enfin, il a souligné la nécessité de continuer à impliquer les jeunes dans ce processus pour garantir la pérennité de ces initiatives.

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