C’était le 11 avril 1980, lorsque parut sur les pages du Peuple Valdôtain l’article Per giungere al 51%… ai valdostani si addice il «leone» signé par Bruno Salvadori.
Dans ces quelques phrases, citées par François Stévenin dans l’œuvre Bruno Salvadori: un federalista per l’Europa dei Popoli, est résumée l’élaboration théorique concernant le rôle de l’Union Valdôtaine exprimée dans la deuxième moitié des années ’70 par les dirigeants et les penseurs autonomistes les plus clairvoyants, qui entamaient, dans un monde en pleine transformation politique et économique, la saison de la Réunification en jetant les fondements idéaux du mouvement autonomiste.
Au début des années ’70, avaient sauté certains paradigmes, sur lesquels depuis l’après-guerre était établi le système des partis stato-nationaux gouvernant l’Italie. La suspension des accords de Bretton Woods et de la convertibilité du dollar américain en or, la fin de l’ère coloniale, les crises énergétiques et l’accélération conséquente du processus d’intégration européenne débouchaient dans la bataille politique pour l’élection directe du Parlement européen et dans les premières propositions de monnaie unique. On attentait ainsi au rôle d’acteurs efficaces de la politique internationale reconnu de manière dogmatique aux États-nations.
En Italie, la mise en œuvre du régionalisme prévu par la Constitution, la crise de la Démocratie Chrétienne et le renforcement des partis de Gauche minaient les idées d’unité et de centralité du pouvoir de l’État, en donnant origine à une crise plus générale des partis stato-nationaux traditionnels qui, en passant du «compromesso storico» d’abord au «pentapartito» ensuite, deviendra irréversible au début des années ’90.
Les effets de ces crises enchaînées se montrèrent aussi dans le panorama valdôtain: dans un premier temps, avec la scission historique à l’intérieur de la Démocratie Chrétienne, ce qui avait mené à la naissance d’une force régionale, les Démocrates Populaires; ensuite, avec de nouvelles fractures au sein de l’Union Valdôtaine, issues de contrastes personnels et d’opinions divergentes à l’égard du positionnement à assumer, au vu des changements en cours en Italie, sur la base des catégories stato-nationale. Car ces opinions clignaient de l’œil tantôt à la Gauche et à la coalition progressiste, tantôt à la Droite et au monde démocrate-chrétien.
La Réunification, nourrie par une nouvelle classe dirigeante s’étant forgée dans les rangs de la Jeunesse Valdôtaine, définissait des objectifs et des valeurs renouvelés, pour un mouvement politique qui était né, dans un contexte historique différent, de la Résistance fédéraliste sous le régime fasciste et des luttes concernant la destinée internationale de la Vallée d’Aoste.
Ces nouveaux objectifs visaient, d’une part, l’émancipation du Mouvement par rapport au positionnement traditionnel des partis stato-nationaux et, de l’autre, la définition d’une identité politique autonomiste capable d’offrir des réponses à des problèmes neufs.
C’est dans ce contexte qu’il faut placer la devise «ni Droite ni Gauche», ainsi que l’effort d’élaboration d’une base culturelle fédéraliste – dans les domaines économique, social et politique – qui puisse distinguer l’Union Valdôtaine des autres partis, pouvant ainsi dénouer les liens artificiels s’étant créés dans le milieu autonomiste aussi bien avec les forces d’idéologie socialiste qu’avec celles d’idéologie libérale.
Si, au niveau idéologique, il fallait agir sur l’identité de valeur de l’Union Valdôtaine, du point de vue politique l’émancipation du monde autonomiste ne pouvait se réaliser toutefois qu’à travers le dépassement de tout risque de dépendance politique des partis stato-nationaux.
Dans cet esprit, la majorité relative des sièges du Conseil de la Vallée, obtenue pour la première fois en 1978 avec neuf conseillers élus dans les rangs de l’Union Valdôtaine, n’était donc pas suffisante. Seulement en s’adressant à d’autres groupes électoraux et en exploitant la perte de consensus des partis traditionnels de plus en plus affaiblis, pouvaient être remplies les conditions pour que le camp autonomiste, enfin réuni, pût aspirer à un rôle de premier plan afin de réaliser les réformes incontournables de l’Autonomie spéciale et de poursuivre l’autodétermination du peuple valdôtain.
Ne doivent donc pas nous étonner les mots de Salvadori qui, au mois d’avril de 1980, écrivait:
«L’U.V. segue con molto interesse il maturare, tra la gente che non ha mai votato il leone unionista, di quel concetto essenziale che afferma: l’unità popolare porta a poter gestire il proprio futuro senza subire il condizionamento da altri. È l’obiettivo del 51% verso il quale dobbiamo rendere consapevoli come siamo del fatto che solo un tale risultato potrà permetterci di guardare a Roma e Bruxelles con più forza e sicurezza.
All’interno, poi, potranno esserci tutte le varianti possibili e immaginabili, garantite dal principio democratico dell’alternanza, ma prima l’obiettivo fondamentale è il raggiungimento dell’unità politica fra autonomisti, essenziale per creare l’effetto di “valanga rosso-nera” necessario per giungere al 51% dall’attuale 30%.
Non è un obiettivo facile ma, assieme a quello di europeizzare l’U.V. […], è lo scopo di questo decennio».
Dans l’objectif visé de 50%+1 des consensus (c’est-à-dire de la majorité absolue des voix qui, dans les propos de Salvadori devient de manière simplifiée 51%) est comprise, pour le meilleur et pour le pire, la destinée de l’Union Valdôtaine et des autonomistes de ces dernières quarante années.
Dans une perspective concernant exclusivement le consensus, on peut dire sans aucune hésitation que l’objectif proposé par Salvadori a été effectivement atteint. L’inexorable renforcement politique des autonomistes, à partir de l’année fatidique de 1978, s’est poursuivi d’élection en élection; et ceci, malgré les stratagèmes mis en place à cheval entre les années ’80 et ’90 par les sections locales des partis stato-nationaux dans la tentative de les désarçonner de la course. L’emblème du succès de l’Union Valdôtaine est, d’ailleurs, la période allant des élections régionales de 1998 à celles de 2008, décennie dans laquelle la liste fluctue entre les 17 et les 18 sièges qu’elle obtient grâce aux votations de 2003.
De même, nous pouvons affirmer sans aucun doute que, en dépit des divisions internes à la formation unioniste se manifestant à partir de la XIIème Législature régionale (2003-2008), les résultats électoraux de 2003 n’arrêtent pas la saison politique inaugurée à la fin des années ‘70, mais plutôt qu’ils ouvrent une seconde phase encore à analyser.
La XIVème Législature (2013-2018) en est le paradigme: si l’on additionne les sièges des forces autonomistes (Union Valdôtaine, Union Valdôtaine Progressiste et Alpe, auxquelles s’ajoute Stella Alpina, qui ne représente pas un mouvement issu de l’UV), on obtient l’incroyable chiffre total de 30 sièges sur 35 (supérieur à 85%). Un véritable plébiscite en faveur de l’autonomisme.
Il est difficile de dire si la doctrine de 51% de Salvadori ait prévu une «avalanche» autonomiste aussi puissante. Certes, le pourcentage des sièges du Conseil de la Vallée obtenu par les divers mouvements autonomistes ne peut être considéré un indice révélateur du fait que, dans ces derniers quarante ans, les valeurs positives de l’Union Valdôtaine réélaborées à la fin des années ’70 se soient répandues dans le tissu social: le fait de penser que 85% des Valdôtaines et des Valdôtains partagent ces valeurs est carrément optimiste, même dans une Vallée d’Aoste post-idéologique. Il n’est toutefois pas souhaitable que seulement un maigre 15% cultive des valeurs politiques diverses dans une société qui se doit de rester pluraliste et démocratique.
Le morcellement du monde autonomiste, qui depuis 2003 a touché de manière particulière l’Union Valdôtaine, a été justifié peut-être par des contrastes personnels, par des divergences de politique générale ou bien d’étique politique. Ce qui cependant s’est produit à long terme a été de permettre à la classe dirigeante autonomiste, parvenue au point de saturation à la suite de la majorité absolue des voix, de forcer la scène politique et d’atteindre de nouveaux horizons dans le consensus électoral. L’occupation de l’espace politique régional œuvrée par les mouvements autonomistes a annulé l’importance des partis stato-nationaux et a en effet empêché l’émergence des autres valeurs, représentées par ces partis, que l’énorme succès des autonomistes avait peut-être englobées, certainement pas déracinées.
Certes, l’adjectif «autonomiste» a été abusé ces derniers temps. On a qualifié d’autonomiste tout groupe politique, y compris les sections locales des partis stato-nationaux; on a laissé, ce qui est impardonnable, que dans le nombre des mouvements autonomistes fragmentés afflue, au-delà de sa validité politique, n’importe quel sigle, même passager, s’étant constitué au Val d’Aoste et n’ayant pas de correspondant sur la scène stato-nationale.
Sans plus de limites, le terme «Autonomisme» est devenu aux oreilles de l’opinion publique un synonyme de défense du status quo: défense de la classe politique qui avait atteint un record de consensus, sans une confrontation participative à l’égard des effectives priorités de la Politique; défense des prérogatives de l’Administration régionale, sans une réflexion approfondie du potentiel de leur évolution et du renforcement de l’Autonomie spéciale; défense de l’idée d’Autonomie en tant que simple moyen de décentralisation administrative, sans aucune promotion des idées fédéralistes et novatrices dans un contexte global en pleine mutation.
Bref, l’Autonomisme a perdu de sens, ce qui rend aujourd’hui les appels réitérés à résoudre la fragmentation arithmétique des mouvements autonomistes, sans que l’on ne procède à la définition des valeurs réelles qui en caractérisent le camp, des appels littéralement insensés.
En fait, la Réunification du monde autonomiste est une question qui, outre à la solution de l’émergence sanitaire et économique que nous sommes en train de vivre, doit être abordée comme une priorité absolue par la formation politique à laquelle nous appartenons: non pas pour le plaisir de recoller les morceaux en poursuivant les modèles du passé, mais, comme il était arrivé vers la moitié des années ’70, pour jeter les bases d’un Mouvement qui soit à même d’affronter, aussi bien dans les principes que dans la pratique, les grandes transformations de nos jours, qui agissent dans les sphères sociale, économique et politique.
En même temps, afin que les conditions pour une Réunification soient remplies, il est toutefois nécessaire de prendre conscience de certains éléments qui différencient par rapport au passé le contexte dans lequel ce produirait cette synthèse.
Le premier élément est représenté par le cadre global dans lequel s’intègre le Val d’Aoste.
Dans les années ’70, le renouvellement du camp autonomiste s’est déroulé dans une phase d’affaiblissement des grandes idéologies, favorisée par les involutions du conflit entre l’Occident et l’Orient de tradition européenne, d’où la Guerre Froide entre le bloc américain et le bloc soviétique.
Aujourd’hui, en revanche, il y a d’autres et de nombreux facteurs à considérer: d’abord, l’émergence de nouveaux pôles d’influence, parmi lesquels prévaut l’asiatique, ce qui modifie les raisons du conflit politique en Europe et l’essence des groupes de pression internationaux qui agissent sur les partis; ensuite, l’incapacité des États-nations européens d’affronter à l’échelle pertinente les nouveaux défis du monde contemporain, ce qui produit le renforcement des compétences des organisations supranationales liées aux dogmes de la coopération entre les gouvernements stato-nationaux, mais par ailleurs sans favoriser la naissance d’adéquates formes de démocratie dans les rapports entre les diverses institutions européennes; en outre, la perte de souveraineté substantielle des États-nations, qui se rattrapent sur les administrations locales en interrompant les parcours fédéralistes entrepris dans les années ’90 et en reprenant les tendances de centralisation; enfin, le renforcement des partis stato-nationaux – ainsi que la mutation des partis jadis régionalistes en des partis aux dimensions stato-nationales – s’intégrant dans des réseaux internationaux de propagande politique qui, au vu des ressources dont ils disposent, deviennent de plus en plus influents et déterminants, en s’introduisant dans les maisons des Valdôtains de manière immédiate, directe et massive par le biais des nouvelles technologies de communication et d’information numériques.
Le deuxième élément
Le deuxième élément que les autonomistes doivent tenir en considération est représenté par le fait qu’au niveau valdôtain, suite aux évènements traumatiques de la XVème Législature (2018-2020), s’est conclue très probablement la saison commencée par les élections régionales de 1978. En fonction de la clairvoyance des dirigeants et des penseurs autonomistes contemporains, la prochaine et souhaitable Réunification aura l’occasion d’en inaugurer une nouvelle, qui démarrera sans aucun doute aussi de la capacité de réponse étique à ces mêmes événements.
Au moment de la conclusion de la Guerre Froide et du passage au système électoral majoritaire, le journalisme italien a forgé l’expression «Seconda Repubblica» pour raconter les transformations en cours dans le monde politique. Si l’on voulait essayer de périodiser la Politique valdôtaine en s’en inspirant, nous pourrions dire que la Vallée d’Aoste a vécu deux grandes saisons de son Autonomie moderne.
La Première Autonomie s’est développée de l’après-guerre jusqu’à la fin des années ’70: cette période est caractérisée par l’existence d’un mouvement autonomiste, l’Union Valdôtaine guidée par Séverin Caveri, force bien enracinée dans le territoire, mais non pas hégémonique au niveau politique, à coté de laquelle ont œuvré de puissantes sections locales des partis stato-nationaux.
La Deuxième Autonomie a trouvé son élan dans la Réunification de ’76, sa première expression dans les élections de ’78 et son essor d’abord dans les lois financières de l’État approuvées à cheval entre les années ’70 et ’80 et, ensuite, dans les réformes partielles du Statut spécial adoptées dans les décennies successives. Cette Deuxième Autonomie s’est nourrie des succès de l’Union Valdôtaine jusqu’en 2003, pour vivre par la suite sa longue phase dégénérative qui, comme on vient de voir, a été caractérisée par l’émiettement des partis stato-nationaux et par un élargissement outre-mesure du soi-disant camp autonomiste.
Les gravissimes et infamantes accusations de collaborations entre des membres éminents des mouvements autonomistes et l’organisation criminelle de la ‘Ndrangheta posent aujourd’hui la nécessité de redonner du sens à l’existence du camp autonomiste et à son appartenance, outre qu’à l’action politique. C’est ainsi que de la manière la plus tragique se closent ses dernières quarante ans.
Le troisième élément, dont il faut prendre acte, est que la centralité des autonomistes sur l’échiquier politique valdôtain n’est plus un facteur à tenir pour acquis.
Il serait hypocrite, en effet, d’affirmer simplement qu’après plus de vingt ans les conseillers régionaux appartenant à des sigles autonomistes (Union Valdôtaine, Vallée d’Aoste Unie, Alliance Valdôtaine et Stella Alpina, auxquelles s’ajoute des rangs de l’opposition Pour l’Autonomie) ne représentent plus la majorité absolue des membres du Conseil de la Vallée. En revanche, il est essentiel de se rendre compte que le parti de majorité relative, après plus de quarante ans, est à nouveau un parti stato-national: la Lega. Si ces deux situations ne seront que temporaires ou bien si elles deviendront permanentes, c’est seulement le temps qui nous le dira. Et la ténacité des autonomistes.
La doctrine de 51% est pour toutes ces raisons brisée, aussi bien dans sa portée historique que dans l’application concrète qu’on lui a réservée ces derniers temps.
Il reste a comprendre quelle part des doctrines élaborées sur la fin des années ’70 soit encore valable dans ses principes, en mettant en relief les interprétations adéquates dans le contexte contemporain et en lui donnant un nouvel élan.
Il est nécessaire avant tout de restituer à la devise «ni Droite ni Gauche» son sens originel. Il est inadmissible que, comme il est arrivé dans le passé dans certains partis stato-nationaux, tel impératif se réalise dans les faits par la cohabitation de courants internes à un parti unique, qui clignent de l’œil tantôt à Gauche tantôt à Droite et qui se renforcent au gré des alliances contractées à Droite ou bien des accords conclus à Gauche. Ni, d’ailleurs, il faut poursuivre, comme il s’est avéré dans la phase dégénérative de la Deuxième Autonomie, dans la recherche factieuse d’un Autonomisme de gauche et d’un Autonomisme de droite, qui n’a certes pas été l’évolution naturelle de l’Autonomisme historique, mais plutôt la tentative grossière des partis stato-nationaux de résister à la marginalisation au Val d’Aoste.
La devise «ni Droite ni Gauche» impose, par conséquent, la recherche d’un espace indépendant sur l’échiquier politique, délié de toute implication nationale, dans lequel puisse s’épanouir une pensée alternative, fédéraliste, se reliant aux exigences culturelles, sociales, écologiques, économiques, politiques réelles de la Vallée d’Aoste.
Dans le nouvel contexte global auquel on a fait référence, cela ne pourra pas se produire toutefois si l’on procède naïvement à mettre en place des formes d’isolement politique: aux nouveaux réseaux internationaux auxquels s’accrochent les partis stato-nationaux qui minent le camp autonomiste, force est de répondre par une participation active et prioritaire aux réalités politiques transnationales qui, à l’échelle européenne aujourd’hui incontournable, partagent les valeurs fédéralistes et autonomistes.
La doctrine de 51% elle-même nécessite d’une radicale réélaboration. Il est clair que les autonomistes doivent continuer à s’adresser à la majorité des Valdôtaines et des Valdôtains se proposant comme force responsable de gouvernement, certainement pas en se destinant tout seuls à l’opposition et à l’insignifiance. La poursuite des objectifs politiques autonomistes ne peut se réaliser, évidemment, dans un cadre de fragmentation immotivée, causée par des personnalismes, des attentismes et des préjugés, mais elle doit se produire au sein d’un mouvement solide et bien enraciné.
À ce propos, on débat depuis 2018 sur l’opportunité de réaliser la Réunification sous le symbole de l’Union Valdôtaine ou bien au travers de la fondation d’un mouvement totalement neuf. Tout en nous proposant d’approfondir la réflexion, aux partisans de la seconde option, qui ressemble plutôt à un maquillage politique qu’à la création de quelque chose de novateur, nous nous bornerons à dire pour l’instant qu’à un patient malade qui ne répond pas positivement aux soins il est inutile de changer de verre lorsque le médicament reste le même.
Au-delà de tout calcul, aspirer à «51%» comporterait aujourd’hui la nécessité de rebâtir un mouvement autonomiste qui sache se placer au centre du système dans un nouveau cadre pluraliste, selon des approches démocratiques et transparentes. Pour ce faire, il serait indispensable de définir des objectifs politiques pas seulement à court terme, mais surtout à long terme, qui mettent la Vallée d’Aoste dans les conditions d’affronter les défis contemporains et de travailler afin que ces objectifs soient atteints.
De plus, aspirer à «51%» signifierait redynamiser au niveau culturel le fédéralisme valdôtain. De nouveaux espaces d’élaboration culturelle devraient être encouragés même au sein du mouvement autonomiste, à commencer par ceux consacrés aux plus jeunes générations. En particulier, dans le cadre de la Réunification, on devrait donner un poids approprié à la Jeunesse Valdôtaine, qui ne doit pas seulement être valorisée en tant qu’organisme de formation et d’initiative politique libre des contraintes de la Politique institutionnelle, mais qui doit être placée dans les conditions pour œuvrer dans le tissu social du Pays en exploitant les outils dynamiques nécessaires pour parler de politique aux jeunes, au moyen de nouveaux langages.
Par ailleurs, dans cette phase historique la redécouverte d’une pensée véritablement fédéraliste est fondamentale pour les bons fruits que la Vallée d’Aoste peut en recueillir. La Troisième Autonomie s’ouvre, en effet, avec deux défis historiques: d’une part, l’incontournable dépassement de l’approche selon laquelle l’Autonomie spéciale peut être seulement réformée à petit pas; de l’autre, la possibilité pour le peuple valdôtain de participer directement à la table des décisions européennes – aujourd’hui plus que jamais essentielle – sur laquelle on établit les politiques publiques fondamentales et où l’on bâtit la constitution substantielle de l’Europe unie.
Par conséquent, il est impératif de préparer les terrains conceptuel, culturel et politique sur lesquels appuyer la révision globale du Statut spécial (et de l’Autonomie) et finalement l’accès de la Vallée d’Aoste à une dimension réellement européenne.
À la doctrine de 51%, telle qu’elle a été appliquée dans le passé récent, doivent alors s’opposer des doctrines pragmatiques. Des doctrines qui ne se concluent pas par les simples succès individuels ou collectifs des autonomistes, mais qui puissent attirer l’attention sur les propositions concrètes indispensables pour relever les défis des prochaines décennies.
Frédéric Piccoli