Les deux arrêts, en première et deuxième instance, de la Cour des Comptes, qui condamnent 18 conseillers régionaux pour avoir voté l’augmentation du capital de la société de gestion du Casino de St-Vincent portent atteinte à l’un des principes fondamentaux de la démocratie, à savoir le partage des pouvoirs de l’État déjà théorisé par Montesquieu au XVIIIe siècle, précisément pour éviter les abus d’un pouvoir sur l’autre.
Dans le cas en question, il est évident l’interférence directe d’un pouvoir judiciaire, le pouvoir comptable, dans un champ typique du pouvoir politique, celui du choix de la direction de toute action administrative, un choix qui ne peut être remis en cause, ni pour des raisons d’opportunité (qui n’appartiennent pas au pouvoir judiciaire) mais pas même pour des raisons comptables.
L’espoir est que cette ingérence soit détectée par la Cour de Cassation devant laquelle les condamnés feront appel, car elle est la seule à pouvoir établir si la Cour des Comptes a dépassé les limites de sa juridiction.
Cependant, il y a une autre considération à faire, cette fois plus au niveau local et résolument politique. Il existe une règle régionale qui établit l’incompatibilité entre être conseiller régional et avoir un différend avec la Région. Une loi comme tant d’autres faite sur la vague de l’émotion avec des poussées justicialistes qui ont souvent envahi les partis et les mouvements, dérogeant trop souvent au principe constitutionnel de non-culpabilité jusqu’au jugement définitif.
Dans le cas précis, les condamnés qui siègent encore au Conseil régional ou paient immédiatement, avant même que la Région elle-même ne promulgue un acte exécutif (dans ce cas le litige surgirait), ou ils devront quitter le Conseil. Et si un jour la Cour Suprême annulait la condamnation pour incompétence, le préjudice ne pourra jamais être entièrement réparé.
Très difficilement l’argent ne pourra être restitué brevi manu : le fonctionnaire qui l’a fait risquerait à son tour de tomber sous le couperet de la Cour des Comptes. Le conseiller qui devient créancier de la somme versée en temps utile devra engager un litige avec la Région et faire reconnaître son crédit par un juge, retournant ainsi à la situation d’incompatibilité avec le poste de conseiller régional.
Peut-être qu’un peu plus de rationalité lors de l’élaboration des lois, à tous les niveaux, ne ferait pas de mal. Lorsque les Pères Constituants ont établi certains principes, ils l’ont fait en toute connaissance de cause : toute dérogation est dangereuse, même lorsqu’elle semble appropriée.
Roberto MIRTETO