Aujourd’hui, 18 mai 2021, nous célébrons le 77 anniversaire de la mort d’Émile Chanoux. Pour célébrer cette occasion, « La Boîte a souvenir » vous propose un morceau écrit le 4 août 1923 par le journal « La Vallée d’Aoste » dans lequel un jeune Chanoux publiait ses pièces. »
Quels sont les caractères nets, précis, de notre lutte? Nous combattons, nous luttons, nous espérons. Mais pour quei combattons-nous, pour qui luttons nous, qu’espérons-nous d’obtenir? Et voilà ici notre premier devoir: avoir un programme précis, dire ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas, exposer en peu de lignes toutes nos aspirations régionalistes et linguistiques. Ce programme clair, précis, existe-t-il? Nous devons le confesser, ce programme n’existe pas. Nous disons toujours les mêmes paroles enflammées mais vagues, les mêmes phrases génériques, qui disent une idée indéterminées. Nous parlons de conserver le français et nous ne disons pas comment le conserver, quelle sera notre organisation de défense du français, quels seront les moyens pratiques que nous emploierons pour le conserver. Quelle sera notre organisation de défense du français, quels seront les moyens pratiques que nous emploierons pour le conserver. Nous avons un grand défaut. Nous tenons toujours les regards fixés sur le passe, nous vivons du présent et nous ne tournons que rarement le regard vers l’avenir, comme si nous en eussions peur. Or, c’est vers l’avenir que nous devons regarder, parce que c’est vers l’avenir que nous marchons, parce que l’est pour l’avenir que nous combattons. Les idées qui n’ont pas peur de l’avenir, qui au contraire se plaisent à regarder l’avenir sont celles qui font plus fortune et auxquelles naturellement est réservé l’avenir. Il ne faut pas seulement défendre, il faut construire pour se défendre.
Quant à moi, quand je pense aux années qui viendront, au sort de la Vallée d’Aoste d’ici un demi siècle, je ne peux qu’imaginer que notre vallée ne parle plus le français, que nous ne serions plus Valdôtains, qu’au mot « Valdôtain » on substitue le mot « Valdotani » qui, pour moi, perd tout son cachet et sa valeur. Et je m’imagine de voir la Vallée d’Aoste beaucoup plus « valdôtaine » que maintenant et je songe à toute une vaste organisation valdôtaine de défense du français, de nos écoles élémentaires et moyennes où l’on parle le français ; je pense à des bibliothèques valdôtaines pour répandre l’instruction et la culture valdôtaine dans les pays; à une grande bibliothèque valdôtaine et française à Aoste, qui ait à coté d’elle une académie qui réunisse tous les hommes intellectuels valdôtains; qui réunisse et organise leur éfforts pour répandre la culture valdôtaine dans les ambients valdôtains, des étudiants aux ouvriers, une académie qui ait des contacts avec le monde, qui vive la vie du monde. Et avec cette association, d’autres associations encore des communes valdôtaines, des paysans valdôtains, même des associations économiques comme il y eh a déjà, qui ont un caractère strictement valdôtain. Et que tout soit sous la direction suprême d’un chef valdôtain. Ainsi nous pourrons faire pour notre compte et répondre par les faits à ceux qui disent que la Vallée d’Aoste ne peut pas « faire sa vie ».
Si la Ligue pour la protection du français pouvait avoir uno grande influence morale, intellectuelle et économique, ses chefs pourraient parler et se faire entendre, dire et peut-être dicter leur « volumus ». Si nous réussissons à faire l’ambiant valdôtain vraiment valdôtain, les écoles même du gouvernement en sentiront les effets et peu à peu le français pénétrerait là d’où il a été chassé, resterait et florirait encore plus, là où il est encore.
CHAN. E.
La Vallée d’Aoste – 4 AOUT 1923