À l’occasion de la Journée internationale de la Femme les media ont mis en lumière l’extrême rareté de la présence des personnalités féminines dans la toponymie : en Italie, on ne compte en moyenne que 8 rues ou places intitulées à des femmes, contre 100 dédiées à des hommes. À Aoste on est encore plus gravement machiste : sur 200 intitulations, on ne compte que deux présences féminines (Aurora Vuillerminaz et Emelinda Ducler). Cela s’explique aisément : la toponymie est redevable au rôle que les personnes auxquelles on intitule les lieux publics ont joué dans la vie sociale de la communauté, et on ne sait que trop que ceux qu’on a réservés aux femmes au cours des siècles n’avaient pas une grande visibilité publique.
Pourtant, il me semble qu’il n’est pas impossible, s’il y en a la volonté, de pouvoir dénicher, dans le passé lointain ou récent de la Vallée d’Aoste, des personnalités qui mériteraient d’être rappelées dans ce contexte, qui ont déployé une activité méritoire dans les seules institutions où on leur permettait d’avoir des postes de responsabilité : la famille, l’Église et l’école. Sans prétendre à être exhaustif, j’en cite quelques-unes :
– Ermemberge, mère de saint Anselme, qui eut une influence déterminante dans la vocation de son fils
– Ermemburge Boysson (ou Buisson), fondatrice de l’hôpital de Bicaria (ou de Columnis, ou Nabuisson) à Aoste
– Catherine de Challant, qui défendit vaillamment ses droits héréditaires contre le reste de la famille
– Louise de Miolans, veuve d’ Amédée de Challant, femme pieuse, énergique et cultivée, qui administra et réorganisa efficacement la seigneurie d’Aymavilles pour son fils Jacques pendant sa minorité
– Mencie de Portugal, deuxième femme de René de Challant, qui gouverna avec énergie le comté de Challant en temps de guerre, pendant l’incarcération de son mari
– Émérentienne (ou Émeraude) Vaudan, fondatrice du monastère de la Visitation à Aoste
– Gasparde d’Avise, sœur visitandine, fondatrice du monastère de la Visitation à Chambéry
– Joséphine Teppex Duc, journaliste et écrivaine
– Corinne Guillet (sœur Justine), poétesse et écrivaine
– Flaminie Porté (sœur Scholastique), poétesse et écrivaine, autrice de plusieurs livres destinés à la jeunesse (dont la série Chez nous)
– Césarine Pezzia, poétesse
– Herminie Gerbore, poétesse
– Eugénie Martinet, poétesse
– Maria Ida Viglino, présidente du CLN de l Vallée d’Aoste, première femme nommée au Conseil de la Vallée dont elle fut la première secrétaire , assesseur régional
– Édouardine Verthuy, émigrée à Paris, comédienne de renommée internationale sous le nom de Denise Grey
– Giulia Valle (sœur Nemesia), de la congrégation des Sœurs de la Charité, bienheureuse
– Aurelia Oreglia d’Isola (Leletta), professeur, (servante de Dieu, procès de béatification en cours)
– Rosetta Marchese, supérieure générale des sœurs salésiennes (servante de Dieu, procès de béatification en cours).
Il va sans dire qu’à côté de ces femmes, qui ont joui malgré tout d’une certaine visibilité publique, il faudrait rappeler ces milliers de ménagères, de mères de famille, de paysannes, d’ouvrières, de maîtresses d’école et autres travailleuses qui ont constitué, selon le mot de Nuto Revelli, « l’anello forte », le chaînon qui a assuré au fil du temps la cohésion de la société, en Vallée d’Aoste comme partout ailleurs, et peut-être ici plus qu’ailleurs, car notre région a été longtemps marquée par l’émigration saisonnière des hommes : et pendant leur absence il revenait aux femmes d’assumer en entier la responsabilité de la vie familiale et communautaire. Pourquoi donc ne pas rendre hommage à toutes ces héroïnes du quotidien par l’intitulation d’un rue ou d’une place, voire à la construction d’un monument, qu’on dédierait simplement à la « Femme Valdôtaine » ?
Djeyar